Entretien fictif fait par un prêtre d'Antimodernisme.info
Père Roger-Thomas Calmel OP
Entretien exclusif avec le père Calmel
Grâce aux investigations du secrétaire, la maison
générale a retrouvé les traces du père Calmel, ce Père dominicain que Mgr
Lefebvre appréciait particulièrement avec le père Emmanuel :
« Ce sont les deux grands auteurs spirituels de notre
temps, disait-il, ils sont profondément thomistes, cela donne une assise solide
à leur spiritualité, à la différence d’autres auteurs influencés par
Saint-Sulpice, tel Libermann. Avec ces derniers, on risque de tomber dans le
sentimentalisme ou le volontarisme ou le pacifisme. A cause de cela, le clergé
était prêt à tomber au moment de la crise, il lui manquait une spiritualité
forte. » (Bernard Tissier de Mallerais, Marcel Lefebvre, Clovis, p. 604).
Chers lecteurs, grâce au Père Calmel, DICI est heureux de
vous offrir un Discours Intelligible et Catholiquement Intégral ce qui nous
changera du Discours Indigeste, Calamiteux et Irénique de certains. Parole de
plombier !
Abbé Ludens, directeur de la revue
DICI : Pensez-vous qu’en ce cinquantième anniversaire du
concile Vatican II, on puisse écrire, de manière minimaliste, que « les
enseignements de Vatican II éclairent certains aspects de la vie et de la
doctrine de l’Eglise implicitement présents en elle non encore formulés » ?
P. Calmel : Non ! « Ce Concile est d’un style tout à fait
nouveau, étranger à toute notre histoire, le Saint-Père entend nous l’imposer
par une façon de gouverner d’un style également nouveau, étranger à la papauté
pendant vingt siècles … A partir de Vatican II, par le moyen de ce Concile et
par l’obstination du Pape à nous l’imposer, c’est une législation
révolutionnaire qui a pénétré dans l’Église. » (Itinéraire n° 148)
DICI : Mais prétendre, en 2012, que rien n’a changé est
une erreur historique. En 2007, il a été officiellement reconnu que la messe
tridentine n’avait « jamais été abrogée ».
P. Calmel : Par ce motu proprio, le Missel traditionnel a
été abrogé en tant que forme ordinaire. Ne pas le voir est une erreur
théologique ! Le pape entend faire de la messe bâtarde le rite ordinaire de
l’Eglise et de la messe Saint Pie V un rite extraordinaire, « voilà ce qui
s’appelle détruire la Messe dans le décret même qui prétend l’organiser. Voilà
un bon exemple de législation révolutionnaire. Or il s’agit du Saint Sacrifice
de la Messe. Il est difficile de se moquer plus méchamment du mystère
eucharistique, des prêtres et des fidèles. » La Messe Paul VI est « mauvaise en
elle-même … Il n’est au pouvoir d’aucun Pape de rendre bon ce qui est mauvais.
» (Itinéraire n° 148)
DICI : Certains refusent tout accord purement pratique
avec la Rome conciliaire. Ce refus a priori d’une reconnaissance canonique
est-il dû à 40 ans d’une situation d’exception entraînant une certaine
incompréhension de la soumission à l’autorité ?
P. Calmel : Des exhortations à la soumission à
l’autorité, « les traités de spiritualité en sont pleins … Les traités
spirituels ne nous enseignent à peu près rien sur les formes révolutionnaires
de l’exercice de l’autorité ni, par suite, sur la pratique de l’obéissance dans
cette situation sans précédent … nous sommes en dehors des catégories
ordinaires de la désobéissance ou de l’obéissance. » (Itinéraire n° 148)
DICI : À vous entendre, on se demande sérieusement si
vous croyez encore que cette Eglise visible dont le siège est à Rome est bien
l’Eglise du Christ. On a l’impression que vous êtes tellement scandalisé que
pour vous Benoît XVI n’est pas un pape légitime ?
P. Calmel : « Dans ceux de ses actes qui laissent
s’établir une législation révolutionnaire c’est le Pape qui annule lui-même son
autorité … Je ne prêche pas l’anarchie. Je tiens beaucoup à obéir à l’Église et
à tous les Papes, y compris le Pape actuel dans la mesure où il est en
continuité avec tous les Papes et non en rupture avec eux. Mais je tiens à
obéir dans la situation qui nous est faite maintenant … Je ne m’exempte pas de
l’obéissance, mais je ne veux pas non plus m’entraver dans une conception
fausse et même absurde de la vertu d’obéissance. Je n’obéis pas à un processus
de démolition, mais aux lois toujours valables qui furent portées régulièrement
… l’obligation d’obéir n’existe pas à l’égard du système monté par la
Révolution, quelle que soit l’autorité officielle qui la patronne. »
(Itinéraire n° 148)
DICI : Les maux sont déjà suffisamment dramatiques pour
qu’on ne les exagère pas. N’y a-t-il pas un manque de distinction dans vos
propos (« tous modernistes, tous pourris, tous révolutionnaires ») qui pourrait
se transformer en un durcissement absolu qui aboutira logiquement à un vrai
schisme ? Quelles sont vos dispositions intérieures ?
P. Calmel : « Ce qui effraie certains prêtres, et des
meilleurs, c’est d’être réduits à s’avouer : je dois marcher sans tenir compte
du Pape actuel ! Situation violente certes ... Mais nous n’avons pas le choix.
Ou bien ne supportant pas ce déchirement nous nous laissons glisser dans la
Révolution. Ou bien nous restons dans la communion de l’Église en ne faisant
point cas d’une Révolution soutenue par le Pape. » (Itinéraire n° 148)
DICI : Mais cela ne peut pas durer indéfiniment ! Le pape
fait ce qu’il peut contre les évêques progressistes. Comme le notait l’Abbé
Pfluger, « la diplomatie joue ici un rôle important. » L’histoire de l’Eglise
montre que la guérison des maux se fait de manière graduelle, lentement. Ne
faut-il pas être réaliste et travailler dans le champ malgré la mauvaise herbe
?
P. Calmel : Notre devoir est simple : « ne jamais
coopérer au sacrilège d’une manière formelle, le sachant et le voulant … Cela
va durer jusqu’à ce que, par un grand miracle et par la fidélité de beaucoup de
prêtres et de laïcs et au terme de durs châtiments, le Seigneur ait brisé la
Révolution dans l’Église … Les évêques, les prêtres en grand nombre ont fait
des ténèbres la lumière et de la lumière les ténèbres. » La victoire du
Seigneur viendra pour sûr. « Mais jusqu’où faudra-t-il nous enfoncer avant que
le Seigneur n’intervienne par un miracle ? » (Itinéraire n° 148)
DICI : Croyez-vous qu’il y a des membres de la Fraternité
qui épousent les thèses sédévacantistes ? Avez-vous peur de leur influence ?
P. Calmel : Pourquoi avoir peur d’une opinion qui est
libre ? La vraie question est : « Quand le Pape reviendra-t-il de ses
égarements ? … Partout la peur d’être tournés en ridicule, d’être gênés dans
l’action apostolique, d’être voués à l’insécurité matérielle. Partout la peur
de la relégation sociologique. Trop rares sont ceux qui, à cause du Seigneur et
de son nom, se moquent de l’isolement d’aujourd’hui et de l’incertitude de
demain. – Chez une foule de moines et de religieuses un aveuglement si tenace,
une couche d’optimisme d’une telle épaisseur qu’ils ont confondu la divine
illumination du Saint-Esprit avec les rayons sinistres du Soleil de Satan … En
beaucoup de bonnes âmes, une espèce d’idolâtrie à l’égard de la personne privée
du Pape, une notion fausse de l’obéissance qui, sous prétexte que l’autorité a
parlé, n’hésite pas à renier les lumières primordiales levées dans notre cœur
... Quand donc, Seigneur, votre vicaire sur la terre cessera-t-il d’abuser des
bonnes âmes qui ne sont pas en état de faire les discernements indispensables ?
… Que le Seigneur nous accorde dans l’épaisseur de la nuit de demeurer fidèles
à sa lumière, de continuer la résistance, d’assurer la transmission de la foi
et des sacrements de la foi. » (Itinéraire n° 148)
DICI : Mais la Fraternité ne doit-elle pas aider l’Eglise
et le pape ? Comment ?
P. Calmel : « Nous détenons tous, prêtres et laïques,
chacun pour notre compte, une petite part d’autorité. Nous autres prêtres avons
les pouvoirs de célébrer la vraie Messe, absoudre, prêcher. Les parents, malgré
le totalitarisme étatique et la décomposition de la cité, n’ont pas perdu tout
pouvoir de former et d’éduquer les enfants qu’ils ont mis au monde … Donc que
le prêtre fidèle aille jusqu’au bout de son pouvoir et de sa grâce de prêcher
et d’instruire, de pardonner les péchés et d’offrir le Saint-Sacrifice dans le
rite traditionnel. Que la sœur enseignante aille jusqu’au bout de sa grâce et
de son pouvoir de former les jeunes filles dans la foi, les bonnes mœurs, la
pureté, les belles-lettres. Que chaque petit groupe de laïques et de prêtres,
ayant autorité et pouvoir sur un petit fortin d’Église et de chrétienté aille
jusqu’au bout de ses possibilités et de son pouvoir. » … Le « combat chrétien »
doit se « mener par petites unités … qui refusent d’entrer dans je ne sais
quelles organisations systématiques et universelles. Dans ces diverses unités,
telles qu’une modeste école, un humble couvent, une confrérie de piété, un
petit groupement entre familles chrétiennes, une organisation de pèlerinage,
l’autorité est réelle et indiscutée ... Il s’agit seulement d’aller jusqu’au
bout de sa grâce et de son autorité dans la petite sphère dont on a
certainement la charge, en se tenant relié, sans grandes machines
administratives. » (Itinéraire n° 149)
DICI : De sérieuses difficultés demeurent avec
l’oecuménisme, la liberté religieuse… Si une reconnaissance canonique
intervenait quelle serait votre attitude face à ces difficultés ?
P. Calmel : Point d’accord pratique sans un accord
doctrinal ! « Trop de dignitaires ecclésiastiques se sont abandonnés à la
perversion moderniste de l’intelligence ; ils en sont venus à ne plus trouver
monstrueuse l’habitude d’affirmer dans un même discours des propositions
incompatibles, parce qu’ils estiment l’intelligence incapable du vrai … Lorsque
des prélats à l’esprit aussi dénaturé occupent les premiers postes dans
l’Église, c’est pour tous les fidèles une détresse sans nom ». (Itinéraire n°
151)
DICI : Que pensez-vous de l’offre romaine d’une prélature
personnelle pour la FSSPX dans ce contexte de révolution dans l’Eglise et
d’apostasie dans le monde ?
P. Calmel : « Autrefois, dans les temps de la chrétienté
médiévale ou classique, qui voulait se pousser pour devenir cardinal ou
davantage encore, il fallait, bien souvent, qu’il devînt le complice, au moins
par son silence, des péchés et prévarications des princes chrétiens.
Aujourd’hui les princes chrétiens n’existent plus ; en tout cas ils sont dépossédés.
Le pouvoir a passé aux sociétés occultes, maçonniques ... Voilà pour une grande
part les maîtres horribles des temps modernes. Aujourd’hui donc le prêtre qui
nourrirait l’ambition de se pousser dans l’Église aux postes supérieurs, c’est
avec ces princes qu’il lui faudrait compter. C’est de ceux-là qu’il devrait se
faire le complice. Le pourrait-il s’il ne consentait à s’enfoncer, par degrés
peut-être mais véritablement, dans une radicale perversion de l’esprit ? Car
s’il refusait de se laisser gagner peu à peu par les ténèbres spirituelles, il
resterait incapable, malgré tous ses efforts, de devenir un allié utile pour
les forces occultes ; tant bien que mal il s’opposerait, il resterait un
adversaire. Or il faut qu’il soit un auxiliaire ; ce n’est pas pour autre chose
que le César moderne l’a hissé aux postes de commande. … le démon de l’orgueil
est plus redoutable que celui des convoitises charnelles. » (Itinéraire n° 151)