Saül contre David ou Mgr Williamson, trahi par les siens
« Je serais donc devenu votre ennemi, parce que je vous ai
dit la vérité ? »
« Le Chapitre général constate les graves manquements à la
discipline commis par Mgr Williamson et les difficultés qu’il pose à la
Fraternité Sacerdotale Saint Pie X par son attitude. Il approuve les démarches
que le Supérieur général entreprendra pour mettre un terme à cette situation. »
(Actes du Chapitre, Cor Unum n°102, été 2012, p. 28)
En réalité, il n’y a pas de problème de discipline chez Mgr
Williamson ; il y a par contre un problème de clarté et de doctrine chez Mgr
Fellay.
Quand Mgr Fellay dit : « Beaucoup de personnes comprennent
mal le concile. Le concile présente une liberté religieuse qui est en fait
très, très limitée. » Qui peut empêcher Mgr Williamson de dire que le discours
de la Fraternité a changé ?
« Les « limites » fixées par le Concile à la liberté
religieuse ne sont que de la poudre aux yeux, masquant le défaut radical dont elles
souffrent et qui est de ne plus tenir compte de la différence entre la vérité
et l’erreur ! On prétend contre toute justice, attribuer le même droit à la
vraie religion et aux fausses » ; « Mais le comble de l’impiété, qui n’avait
jamais été atteint jusqu’alors, a été accompli lorsque l’Eglise, elle-même, ou
du moins ce qui a voulu passer pour tel, a adopté au concile Vatican II le
principe du laïcisme de l’Etat » ; « La liberté religieuse signifie
nécessairement l’athéisme de l’Etat. Car professant reconnaître ou favoriser
tous les dieux, l’Etat n’en reconnaît en fait aucun, surtout pas le vrai Dieu !
» (Mgr Lefebvre, Ils l’ont découronné, Ch. XXVIII, p.232 & VIII, p.76 &
IX, p.86)
Quand Mgr Fellay dit aux trois évêques que : « Dans la
Fraternité, on est en train de faire des erreurs du concile des super
hérésies », qui pose des difficultés à
la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X ? Mgr Lefebvre disait que le concile
Vatican II était « le plus grand désastre de tous les siècles passés depuis la
fondation de l’Eglise » et dans une de
ses dernières conférence à Ecône : « Plus nous analysons les documents de
Vatican II, plus nous reconnaissons qu’il s’agit d’une totale perversion de
l’esprit. C’est très grave ! Une perversion totale !... »… Qui peut alors empêcher Mgr Williamson
d’imiter Paul reprenant Céphas : « je lui résistai en face, parce qu’il était
digne de blâme » (Gal 2, 11) ?
Est-ce manquer de respect envers Mgr Fellay que de le citer
et de montrer l’ambiguïté et l’insuffisance de ses propos ? A des paroles
publiques ne peut-on pas répondre par des paroles publiques quand il s’agit de
l’orthodoxie de la foi ; surtout quand au dire même de Mgr Fellay, c’est « le
bien commun de la Fraternité » qui est
en jeu avec « la solution actuelle du statu quo intermédiaire » .
C’est toujours Mgr Fellay qui déclarait : « Nous ne sommes
toujours pas d’accord doctrinalement, et pourtant le pape veut nous reconnaître
! Pourquoi ? La réponse elle est là : il y a des problèmes terriblement
importants dans l’Eglise aujourd’hui. Il faut traiter ces problèmes. Il faut
laisser de côté les problèmes secondaires et s’occuper des problèmes majeurs.
Les autorités officielles ne veulent pas reconnaître les erreurs du Concile.
Elles ne le diront jamais explicitement. Cependant si on lit entre les lignes,
on peut voir qu’elles souhaitent remédier à certaines de ces erreurs. » (DICI,
n°256)
Cela veut-il dire que la confession de la foi n’exige plus
le rejet des erreurs contre cette foi ? Et pourquoi la Rome actuelle qui ne fut
pas avare de repentances pour les prétendues fautes du passé, ne pourrait-elle
pas, dans le présent, se repentir pour de bon et dénoncer ses erreurs à elle ?
Le droit à la liberté religieuse fait-il parti des «
problèmes secondaires » ? La déclaration Dignitatis humanae n°2 sur le droit à
la liberté religieuse de la personne humaine contredit l’enseignement
infaillible de l’Eglise. Vatican II dit que l’homme a un droit naturel de
choisir la religion qu’il veut – ou de n’en choisir aucune – et de défendre
publiquement ce choix ; et que Dieu se sert des (fausses) religions comme moyen
de salut. Cet enseignement détruit la nécessité de la (vraie) foi pour le salut
(Celui qui ne croira pas sera condamné, Mc 16,16) et rend l’Incarnation et la
Rédemption vaines.
« Je ne comprends pas, disait un moine bénédictin du
monastère de Santa Cruz au Brésil, comment Mgr Fellay peut ridiculiser la
Fraternité Saint Pie X en déclarant que cette dernière constate des « super
hérésies » dans Vatican II. Je ne savais pas que l’Eglise distinguait les
super-hérésies, des hérésies et des mini-hérésies. La seule négation d’une
vérité révélée suffit pour qu’elle soit totalement rejetée par l’Eglise. »
Mgr Williamson est un évêque sacré par Mgr Lefebvre pour
exercer son épiscopat par suppléance. Or un « évêque n’est pas seulement celui
qui accomplit matériellement un rite, fut-il traditionnel. Un évêque enseigne
et sanctifie par sa doctrine et son exemple de la fidélité à la foi de
toujours. » (Mgr Lefebvre, 29 janvier 1989, in Fideliter). Quand Mgr Fellay dit
que les textes de Mgr Müller sur plusieurs dogmes de foi « sont plus que
discutables », qu’est-ce, sinon de la langue de bois indigne d’un pasteur ?
Pour ne pas « altérer la foi », il faut parler clairement : une hérésie est une
hérésie… L’inacceptable n’est pas « discutable ».
Les papes post-conciliaires sont des libéraux et des
modernistes ; c’est un fait, et contre les faits, il n’y a pas d’arguments qui
tiennent. Notre situation canonique restera donc bancale tant que Rome sera
anormal. Peu importe que « Rome ne tolère plus » notre résistance ! Par le
passé, Rome l’a-t-elle déjà tolérée ? De plus, l’Ecriture nous enseigne que
Dieu commande de ne pas entrer en relation avec l’hérétique formel et notoire .
Le passage le plus expressif est celui de l’Epître de saint Paul à Tite : «
Hominem haereticum … devita » . La Révélation divine a donc prévu que, dans le
cas d’un hérétique, fut-il pape, l’Église doit se séparer d’un tel personnage
et éviter d’entrer en relation avec lui. Ni plus ni moins.
Mgr Fellay prétend ne pas se « taire devant l’apostasie
silencieuse et ses causes » . On l’écoute, mais au lieu de reprendre
publiquement Benoît XVI comme fauteur d’erreurs, de libéralisme et de
modernisme, on l’entend dire : « Si le Pape m’appelle, j’y vais tout de suite.
Ou plutôt, j’y cours. C’est certain. » (30 Días n° 9, octobre 2002)
Chercher une solution canonique sans un accord doctrinal
préalable, c’est faire preuve d’un manque certain de réalisme et d’esprit
surnaturel, car depuis Vatican II, les autorités romaines conduisent l’hérésie.
On assiste à l’apostasie générale prédite par Saint-Paul. « C’est un grand
mystère. Un mystère vraiment insondable » répétait souvent Mgr Lefebvre dans
ses conférences. Notre vénéré fondateur écrivait aux quatre évêques : « Témoins
de la foi, les martyrs ont toujours dû choisir entre foi et autorité. » Mais
pour Menzingen : « cette dialectique entre vérité-foi et autorité est contraire
à l’esprit sacerdotal. » Si Menzingen contredit Mgr Lefebvre, qui peut
reprocher à Mgr Williamson d’être, quand à lui, fidèle à sa devise épiscopale :
« ut fidelis inveniatur » ?
Les saints évêques ont toujours été des combattants de la
foi, non des politiciens retors. Avant d’accuser Mgr Williamson d’indiscipline,
que l’on nous montre en quoi ses Kyrie Eleison ont-ils été outranciers,
injurieux ou faux ? En réalité, il n’a fait qu’accomplir son office d’évêque,
fidèlement, respectueusement mais aussi fermement : « Je serais donc devenu
votre ennemi, parce que je vous ai dit la vérité ? » (Gal 4, 16)
Au lieu de persécuter Mgr Williamson, Mgr Fellay ferait
mieux de laisser l’Eglise jouir de sa prédication. Il n’y a pas à jalouser les
dons d’autrui mais il y a lieu de s’en réjouir et de les faire partager.
« [La foule] disait : « Saül a tué ses mille, et David ses
dix mille ». Saül fut très irrité, et ces paroles lui déplurent : "On
donne dix mille à David, et à moi on donne les mille ! Il ne lui manque plus
que la royauté." Et Saül voyait David de mauvais œil à partir de ce jour.
Le lendemain, un mauvais esprit envoyé de Dieu fondit sur Saül … Yahweh était
avec David et s’était retiré de Saül… »
(I Sam 18, 8-13).
La vérité est avec les Kyrie eleison de Mgr Williamson, elle
est avec « les réflexions autour de le proposition romaine » de Mgr de
Galarreta, elle est avec « l’étrange théologie de Benoît XVI » de Mgr Tissier
de Mallerais mais elle n’est point dans les sophismes et les élucubrations
sentimentales de Menzingen.
« Les démarches que le Supérieur général » doit «
entreprendre pour mettre un terme à cette situation » de crise sont simples. De
même que « le jour où la Tradition retrouvera tous ses droits, le problème de
la réconciliation n’aura plus de raison d’être » , de même le jour où Mgr
Fellay retrouvera tous ses esprits, le problème de la prédication de Mgr
Williamson n’aura plus de raison d’être.
Mgr Fellay, en 2002, faisait ces justes réflexions sur la
chute de Campos : « [Campos pense] encore que de la part de Rome, c’est la
reconnaissance de la Tradition. Alors que le contraire vient de se passer. Une
partie de la Tradition, un mouvement traditionnel, a accepté, avec quelques
réserves, certes, la réalité postconciliaire … il faut bien distinguer un
manque à la vertu de foi elle-même, d’un défaut dans la confession publique de
la foi qui est nécessaire dans certaines circonstances … Or une prévarication
comme celle d’Assise réclame cette confession publique… que nous n’avons pas
entendue venant de Campos. »
Avez-vous entendu notre Supérieur s’élever contre Assise
III, personnellement, publiquement et au nom de la Fraternité ? Non ! Mgr
Fellay a annoncé par son secrétaire qu’il laissait liberté aux supérieurs de
district de réagir et il n’hésita pas à blâmer ceux qui avaient parlé
clairement ! L’abbé Chazal rapporte aussi cette anecdote : « Je me souviens
avoir demandé à Mgr Fellay à Cebu, avant Assise III, s’il ne pouvait pas faire
une déclaration retentissante ou un autre geste important quelconque, comme Mgr
Lefebvre l’avait fait lors d’Assise I. Tout ce que j’obtins comme réponse fut
un NON coléreux, à cause de nos tractations actuelles avec Rome. »
Le cardinal saint Robert Bellarmin écrivait : « Tout comme
il est autorisé de résister à un pape qui commet une agression corporelle, de
même il est permis de lui résister, s’il fait du mal aux âmes ou trouble la
société et, à bien plus forte raison, s’il cherchait à détruire l’Église. Il
est permis, dis-je, de s’opposer à lui en n’accomplissant pas ses ordres et en
empêchant que sa volonté soit réalisée.
» (De Romano Pontefice, l. II, c. 29)
Tant que Mgr Fellay voudra entraîner « une partie de la
Tradition » dans « la réalité postconciliaire », il devra s’attendre à ce qu’il
appelle improprement de l’indiscipline.
Un prieur, en France.